CE, Sect., 29 juin 1973, Société Gea, 82870 ▼
En substance
Les directives ne dispensent pas les autorités compétentes de procéder à un examen particulier de chacune des demandes dont elles sont saisies.
Les directives, qui n’ont aucun caractère réglementaire, ne modifient pas par elles-mêmes la situation juridique des intéressés et n’ont pas à faire l'objet d'une publication (Arrêt caduc sur ce dernier point).
Possibilité, pour le gouvernement, de se fonder pour rejeter la demande de la société requérante sur ce qu'elle ne satisfait pas à certaines des directives posées par une note, dès lors que ces directives ne sont pas inadaptées au but visé par le législateur et ne sont pas illégale.
Conseil d'Etat
statuant
au contentieux
N° 82870
Publié au recueil Lebon
SECTION
M. ODENT, président
M. M. BERNARD, rapporteur
MME QUESTIAUX, commissaire du gouvernement
lecture du vendredi 29 juin 1973
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Requête de la société Gea tendant à l'annulation d'un décret du 26 février 1971 portant renouvellement et attribution d'autorisations spéciales d'importation et de livraison à la consommation intérieure de produits dérivés du pétrole et spécialement l'article 2 et le tableau I dudit décret ;
Vu la loi du 10 janvier 1925 ; la loi du 30 mars 1928 ; la loi du 14 avril 1932 ; le décret du 8 août 1935 ; la loi du 11 mars 1953 ; le décret du 2 février 1955 ; l'ordonnance du 24 septembre 1958 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le code général des impôts ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1925 :
Considérant que, si aux termes de l'article 1er de la loi du 30 mars 1928 "l'importation en gros du pétrole brut, de ses dérivés et résidus sera effectuée sous le contrôle de l'État, soit sous le régime de l'autorisation instituée par la loi du 10 janvier 1925, soit sous le régime de l'autorisation spéciale définie par les articles ci-après", l'article 4 du décret du 8 août 1935 dispose que "l'importation en gros du pétrole brut, de ses dérivés et résidus, telle que celle-ci est définie à l'article 1er de la loi du 10 janvier 1925, ne pourra plus être effectuée qu'en vertu d'autorisations spéciales délivrées conformément à la loi du 30 mars 1928" ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les règles qui avaient été fixées par l'article 1er de la loi du 10 janvier 1925 en vue de l'attribution des autorisations prévues par cette loi ont cessé d'être applicables à compter de l'entrée en vigueur du décret du 8 août 1935 ; que, dès lors, la société Gea n'est pas fondée à se prévaloir de ces règles pour contester la légalité du décret attaqué rejetant sa demande d'autorisation d'importation de produits dérivés du pétrole ;
Sur le moyen tiré du défaut de notification à la société Gea des motifs du rejet de sa demande :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration a notifier à la société requérante les motifs sur lesquels elle s'est fondée pour rejeter sa demande ;
Sur le moyen tire du défaut de publication des conditions exigées par l'administration pour la délivrance des autorisations spéciales d'importation :
Considérant que, si le gouvernement a tenu compte, pour l'examen des demandes d'autorisation spéciale d'importation, des orientations générales définies par une note du conseil d'État en date du 28 août 1962, les directives contenues dans cette note ne dispensaient pas les autorités compétentes de procéder à un examen particulier de chacune des demandes dont elles étaient saisies ; qu'ainsi ces directives, qui n'avaient aucun caractère réglementaire, ne modifiaient pas, par elles-mêmes, la situation juridique des intéressés et n'avaient pas à faire l'objet d'une publication ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les orientations générales définies par la note précitée n'aient pas été appliquées également a toutes les entreprises qui avaient présente des demandes d'autorisation pour la période 1971-1974 ; que, si la société requérante soutient qu'en 1965 et en 1968 des autorisations ont été accordées a des sociétés qui ne satisfaisaient pas aux normes fixées par cette note, ce moyen est inopérant à l'encontre du décret attaqué, en date du 26 février 1971, qui est indépendant des décrets pris pour des périodes antérieures ;
Sur le moyen tiré de ce que les critères retenus pour l'attribution des autorisations d'importation restreindraient illégalement la liberté du commerce :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 30 mars 1928, modifiée et complétée notamment par les lois des 14 avril 1932 et 11 mars 1953, par le décret du 2 février 1955 et par l'ordonnance du 24 septembre 1958 que toute importation de pétrole brut, de dérivés ou de résidus égale ou supérieure à 300 tonnes par mois ne peut être effectuée qu'en vertu d'une autorisation spéciale délivrée par un décret, qui détermine les obligations du titulaire concernant notamment la constitution de stocks de réserve, l'importation des produits sous pavillon français, l'exécution de contrats d'intérêt national, la fabrication de produits d'origine pétrolière utiles à l'économie générale du X..., les installations de distributions de carburants et la poursuite de recherches scientifiques ;
Considérant que, selon la note précitée, seules peuvent être désignées pour procéder aux importations les sociétés qui possèdent notamment "la connaissance de la technique et de l'économie pétrolière" et "les moyens matériels et financiers leur permettant à tout moment de faire face à leurs obligations" ; que ces directives ne sont pas inadaptées au but visé par le législateur et n'ont pas pour effet d'apporter à la liberté du commerce des restrictions autres que celles qui découlent nécessairement de la loi du 30 mars 1928 ; que, des lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en se fondant, pour rejeter sa demande d'autorisation d'importation, sur ce qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions rappelées ci-dessus le gouvernement a méconnu la liberté du commerce ;
Rejet avec dépens.
Analyse
Abstrats : - Actes législatifs et administratifs. - Validité des actes administratifs - Motifs. - Erreur de droit. - Absence : motif de la nature de ceux... -
Résumé : motifs de la nature de ceux qui peuvent légalement justifier la mesure prise - Reference à des directives non publiées.
Si le gouvernement a tenu compte pour l'examen des demandes d'autorisation spéciale d'importation de produits dérivés du pétrole des orientations générales définies par une note du conseil d'État en date du 28 août 1962, les directives contenues dans cette note ne dispensaient pas les autorités compétentes de procéder à un examen particulier de chacune des demandes dont elles étaient saisies. Ainsi les directives, qui n'avaient aucun caractère réglementaire, ne modifiaient pas par elles-mêmes la situation juridique des intéressés et n'avaient pas à faire l'objet d'une publication. En se fondant pour rejeter la demande de la société requérante sur ce qu'elle ne satisfaisait pas à certaines des directives posées par cette note, le gouvernement n'a pas méconnu la liberté du commerce et de l'industrie dès lors que ces directives n’étaient pas inadaptées au but visé par le législateur et n'ont pas eu pour effet d'apporter à la liberté du commerce et de l'industrie des restrictions autres que celles qui découlent nécessairement de la loi du 30 mars 1928.
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