CE, 31 mai 1907, Sieur Deplanque c/ Ville de Nouzon, 16324 ▼
En substance
Le cahier des charges de la concession fixe les obligations des parties.
Ces obligations doivent avoir une sanction.
Lorsqu’il n’a pas été prévu de sanction directement applicable au fait d’inexécution relevé à la charge du concédant ou du concessionnaire, il appartient au juge, sur la demande de la partie lésée d’édicter une sanction dans les termes du droit commun, c’est-à-dire, selon les circonstances, de prononcer la résiliation du contrat ou de condamner la partie défaillante au paiement de dommages-intérêts.
CE, 31 mai 1907, Sieur Deplanque c/ Ville de Nouzon
(Rec. 513)
(Req. n° 16.324 - MM. Carrière, rapp. ; Romieu, c. du g. ; Mes Frénoy et Coutard, av.)
Vu la requête présentée pour le sieur Deplanque, ladite requête..., tendant à ce qu'il plaise au Conseil réformer l'arrêté du conseil de préfecture du département des Ardennes, en date du 10 mars 1904, en tant qu'il l'a condamné à payer à la ville de Nouzon une somme de 1.000 francs à titre de dommages-intérêts et à supporter les dépens de l'instance ;
Ce faisant, attendu que la demande subsidiaire de 1,000 francs de dommages-intérêts formulée par la ville était fondée exclusivement sur l'éclairage défectueux des lampes et sur le manque d'approvisionnement et non sur le retard mis par le concessionnaire à exécuter ses engagements ; qu'ainsi, en concédant une indemnité basée sur une cause de dommages que n'avait pas invoquée le demandeur, le conseil de préfecture a statué ultra petita et excédé ses pouvoirs ; que d'autre part le retard dans l'exécution complète des clauses du marché n'a pas fait l'objet d'une stipulation expresse au contrat, de concession, qu'enfin, le conseil de préfecture n'établit pas quel préjudice déterminé est spécialement imputable au retard et qu'ainsi l'évaluation du dommage est purement arbitraire ; réformer l'arrêté du conseil de préfecture, supprimer l'indemnité allouée à la ville de Nouzon et condamner celle-ci au paiement de tous les dépens ;
Vu les observations en défense présentées pour la ville da Nouzon..., et tendant au maintien de l'arrêté attaqué, pour les motifs que l'art. 27 du cahier des charges imposait au concessionnaire de commencer l'éclairage dans un délai de quatre mois et aux conditions prévues par les articles 6 et 8 ; que celui-ci, de son propre aveu, n'a pas exécuté ses obligations dans le délai prescrit et que c'est à raison de ce retard que la ville a formulé sa demande en dommages-intérêts ; que, pour cette obligation générale, aucune pénalité n'a été expressément prévue dans le contrat et que, dès lors, il appartenait au juge de la déterminer conformément aux principes généraux ; qu'enfin, l'indemnité est très inférieure au préjudice causé par un retard qui a duré plus de six ans ;
Vu les nouvelles observations présentées au nom du sieur Deplanque..., et tendant aux mêmes fins que la requête, pour les motifs que la condamnation prononcée par le conseil de préfecture ne s'applique pas à l'inobservation du délai de quatre mois imparti pour le commencement de l'éclairage, car l'art. 28 prévoit une sanction contractuelle, la retenue ; qu'elle punit le retard pour l'inexécution complète des clauses du marché, ce qui ne correspond pas à une obligation déterminée par une clause particulière du contrat, mais a pour conséquence d'ajouter au marché une obligation d'ordre général non écrite dans le cahier des charges ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII et l'art. 1142 du Code civil ;
Considérant que, par traité en date du 11 nov.1897, le sieur Deplanque a été déclaré concessionnaire de l'éclairage électrique dans la ville de Nouzon ; que la ville se plaint et qu'il est établi par les pièces du dossier qu'il n'a pas rempli les obligations qui lui étaient imposées par son cahier des charges; que notamment le voltage des lampes a été insuffisant, les appareils mal entretenus et que les lampes n'ont pas été allumées aux heures réglementaires ; que, si aucune sanction de ces faits, n'a été expressément prévue au cahier des charges, ils n'en constituent pas moins de la part de l'entrepreneur l'inexécution de ses obligations et sont de nature à motiver l'allocation d'une indemnité à la ville de Nouzon, à raison du préjudice qui en est résulté pour elle ;
Considérant que la somme de 1.000 francs allouée par le conseil de préfecture à la ville de Nouzon est destinée à compenser la privation des avantages que la ville était en droit d'attendre de la complète exécution des clauses du contrat ; que le requérant n'établit pas que cette indemnité soit exagérée ; ...(Rejet avec dépens).
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