CE, 15 juillet 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François ▼
En substance
La légalité externe et la légalité interne correspondent à deux causes juridiques distinctes.
Par conséquent, les moyens de légalité externe et les moyens de légalité interne procèdent de causes juridiques distinctes.
Cette distinction entraîne des conséquences importantes après l’expiration du délai de recours. Si, dans le délai de recours, le requérant n’a invoqué que des moyens se rattachant à une seule des deux causes juridiques, il ne peut plus se prévaloir de moyens issus de l’autre cause juridique. Ces derniers seraient considérés comme des moyens nouveaux - ou des demandes nouvelles, donc irrecevables.
Par exception, les moyens d’ordre public demeurent recevables, quel que soit le cas de figure considéré.
CE, 15 juillet 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François
Requête de la société des Aciéries et Forges de Saint- François, société anonyme, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un décret, en date du 11 juillet 1949, portant création de ressources nouvelles en vue de l'exécution de travaux d'équipement électrique, modifié par un décret du 2 août 1949 ;
Vu la loi du 8 avril 1946 ; la loi du 17 août 1948 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sur l'intervention de l'Association nationale des usagers de l'électricité :
Considérant que l'Association nationale des usagers de l'électricité a intérêt à l'annulation des décrets attaqués ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la régularité des décrets des 11 juillet et 2 août 1939 attaqués :
Considérant que la société des aciéries et forges de Saint-François, dans sa requête, s'est bornée à invoquer la prétendue illégalité des décrets susmentionnés ; que si, dans un mémoire complémentaire, elle a contesté la régularité desdits décrets par le motif qu'ils n'ont pas été procédés de l'avis du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz prescrit par l'article 45 de la loi du 8 avril 1946, cette prétention, fondée sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle ; que le mémoire dont s'agit a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 février 1950, c'est-à-dire après l'expiration du délai de recours contentieux contre les décrets invoqués, lesquels ont été publiés au Journal officiel du 13 juillet 1949 et du 13 août 1949 ; que, dès lors, la demande nouvelle contenue dans ce mémoire a été présentée tardivement et, par suite, n'est pas recevable ;
Sur la légalité des décrets susmentionnés :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 17 août 1948, « à dater de la promulgation de cette loi dans les matière ayant par leur nature un caractère réglementaire, déterminées à l'article 7 ci-dessus, des décrets pourront désormais être pris en Conseil des ministres, après avis du Conseil d'Etat et sur rapport du ministre des Finances et des Affaires économiques et des ministres intéressés, pour abroger, modifier, ou remplacer les dispositions en vigueur » ; que, d'après l'article 7 de la même loi, les matières relevant de la compétence du pouvoir réglementaire en vertu de l'article 6 comprennent, notamment, l'organisation, les règles de fonctionnement des établissements publics de l'Etat à caractère industriel et commercial ;
Considérant que les décrets attaqués ont pour objet, d'une part, de fixer les maxima auxquels pourront être portés, nonobstant toute clause contraire des cahiers des charges ou des polices d'abonnement, les remboursements de frais de branchement et les participations aux frais de raccordement demandés par les distributeurs d'énergie électrique en cas d'abonnement nouveaux ou de modifications d'abonnements anciens ayant pour objet une augmentation de puissance, - d'autre part, d'imposer temporairement aux usagers, à titre de participation aux travaux généraux d'équipement électrique du pays et en sus du remboursement des frais de raccordement, le versement d'une somme de 1.000 francs par kw de puissance nouvelle ou supplémentaire souscrite, payable à la signature du contrat d'abonnement et variable en fonction des index électriques H.T. ou B.T. selon les cas ; que ces dispositions qui ont pur but une meilleure organisation et un meilleur fonctionnement du service public par un meilleur équilibre financier du service national d'Electricité de France, et qui ne s'appliquent qu'aux contrats nouveaux à souscrire par les abonnés, sont au nombre de celles qu'il appartenait au gouvernement de prendre, dans le cadre de ses pouvoirs réglementaires, en vertu des dispositions législatives susrappelées ;
Considérant, que si, d'après l'article 37 de la loi du 8 avril 1946, les cahiers des charges-types en matière de gaz et d'électricité doivent être établis par voie de règlement d'administration publique, les décrets attaqués, bien que modifiant ces cahiers des charges-types ont pu légalement être pris suivant les formes particulières que prévoit l'article 6 susmentionné de la loi du 17 août 1948, pour les décrets intervenus en application de ce texte à l'effet d'abroger, modifier ou remplacer les dispositions en vigueur ;
Considérant, toutefois, que, dans la mesure où ils prescrivent qu'ils entreront en vigueur à une date antérieure à celle qui résulte des textes régissant la date d'application des actes réglementaires, les articles 1 et 2 du décret du 11 juillet 1949 et l'article 1er du décret du 2 août 1949 sont entachés d'une rétroactivité illégale ; ... (Intervention admise ; décrets annulés en tant qu'ils prescrivent qu'ils prendront effet à une date antérieure à celle résultant des règles régissant la date d'application des textes réglementaires ; surplus des conclusions rejeté).
Analyse
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